Même de force !
Dans le canard enchaîné, je lis à propos de la période d’épuration qu’a vécu la France à partir de 1944, la remarque suivante :
« On se vengeait, on se défoulait. Les hommes se reconstituaient une virilité frustrée par l’occupant ».
Voilà qui appelle quelques commentaires, il me semble, à propose disons de ce qu’on appelle la culpabilité.
Pour commencer, j’ai toujours été disons intrigué par ce penchant notamment à gauche, qui consiste à prendre pour critère de lecture de la politique présente, cette période trouble mais a priori révolue de l’Histoire de France. J’ai toujours eu de mal à comprendre comment on peut encore aujourd’hui traiter quelqu’un de collabo, de nazi, de sale juif etc… Pourquoi pas sale chouan aussi !?
On peut voir là un manque de finesse analytique, une réflexion anachronique et grossière voire pourquoi pas une perverse attirance pour la tragédie. Cette période n’est pour moi pas spécialement une référence, pas plus qu’un autre fait historique. Au contraire de mon grand-père qui ne voyait pas qu’un brave chien dans le berger allemand, ou de mon père pour qui les échanges culturels avec l’Allemagne était une « réussite ».
Mais les choses sont ainsi utilisées: beaucoup ont aujourd’hui encore cette période de l’histoire en référence. Peut-être parce que tout d’abord, la période n’est pas aussi révolue que cela… On sait quand l’épuration a commencé, mais quand donc a-t-elle pris fin ? Dix ans plus tard pour certain, mais aussi bien plus tard pour d’autres: par exemple, seulement en 1998, avec le procès Papon, auquel en tant qu’étudiant j’assistais… Autrement dit, nous en sortirions à peine.
Ensuite, la gauche a été mise en accusation à deux reprises durant cette période. En 1940, d’une part et ce par le régime de Vichy (procès de Riom), mais, et ce de façon bien moins connue, en 1944 aussi quand il a fallu épurer. A nouveau. On retiendra en tout cas que de Gaulle s’est attaché toujours à une certaine modération durant cette période délicate, cherchant plus la conciliation qu’un parti communiste particulièrement désireux d’expulser le mal. Les 1500 peines de morts exécutées et les 20 000 femmes « tondues » (dans le meilleur des cas) sont peut-être aussi difficiles à assumer.
La droite, elle, est tranquille; fasciste d’un coté ou au contraire partisane d’une France toute entière résistante, avec l’aide de la propagande de deux clowns particulièrement efficaces, Bourvil et de Funès, le choix était clair et facile. Voilà peut-être pourquoi la gauche n’en a pas toujours bien fini avec tout ça, quand bien même sa responsabilité n’est que toute … théorique.
Toutefois, rien n’est éternel et je ne suis pas sûr que la culpabilité soit toujours un privilège de la gauche. Ce serait un peu facile… C’est pas nous, c’est la IIIème république, les cocos, ou encore même la République de la 1793. Et puis d’abord, il était où votre grand-père en 1940, hum ?
Ah la culpabilité … l’un de moins chrono-dégradable de tous les sentiments.
Ainsi donc, le canard nous dit qu’elle se joue et se développe dans la virilité géographiquement frustrée de certains… Quelle étrange et passionnante idée que celle qui prétend que je deviens violent quand mon membre viril est spacialement menacé !
Quel vieille idée surtout. L’homme est un animal territorial… Sans blague ?
Autrefois, dans l’histoire ancienne, il y a très longtemps... il y avait les occupations du pays de mon voisin. Les mâles, dominants leurs femmes, leurs maisons et leurs villages étaient alors battus, humiliés et contraints à la soumission. Les collabos et les mous, donc. Les autres plus intelligents ou assez peu dominants au départ, rusèrent et résistèrent, pas loin ou très loin… Avec l’énergie de ceux qui ont peu à perdre.
La victoire fut donnée aux résistants finalement. Là se produit un phénomène étrange, loin de l’image de l’acclamation de la troupe libératrice. Heureux d’être gagnant, le résistant si ce n'est le français, parfois décapite, tond et viole un peu … Il faut bien marquer son territoire, à nouveau, comme toujours.
Ce qui est intéressant dans cette analyse biologique de la politique et de l’Histoire, c’est qu’on ne voit aucune raison pour que ce processus social s’arrête. Au Blanc-mesnil, c’est aussi la frustration territoriale qui tue. Et je vois aussi dans nos vaillants producteurs de lait (mais est-ce encore du lait ?), des hommes bien peu sûrs de leur virilité et de leur domination sur leurs champs bourrés d’engrais.
Sans terres, l’homme n’en est pas un.
Mais plus largement, sans violence ni haine, en oubliant ce phénomène de prise et de reprise de territoire, dans le couple amoureux violent comme à Gaza, que ce passe-t-il quand, chaque jour, parce que nous sommes plus nombreux, nos territoires respectifs se réduisent comme peau de chagrin ?
Je ne suis pas loin de penser que l’activité sexuelle que je crois croissante aujourd'hui, consentie ou non, est la conséquence de la menace permanente et chaque jour accrue qui pèse sur notre territoire.
Quand ma maison est menacée, au moins, je veux des femmes !
Même de force.
Cela diminue notre culpabilité de looser hier, de nuisibles aujourd’hui.
Ps : le christianisme a eu cette intelligence de ne pas vouloir juger l’homme, mais l’acte, ce qui a pu l’autoriser à protéger parfois de grands collaborateurs devant l’éternel. C’était une belle idée… En finir avec la culpabilité de l’être dominé. Mais bon, on s’en fout du christianisme.