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Pensée verticale
20 octobre 2007

Obscénité - Introduction

L'une des fonctions classique du cinéma, est d’apporter aux spectateurs une vision et un discours sur le pouvoir, les puissants et les hiérarchies. La femme de ménage pleure sur les malheurs de Sissi l'impératrice et le simple travailleur raille avec Charlot, le patron, le policier ou le dictateur. Le ressort fondateur étant, comme chez Molière et d'autres avant lui, le regard critique sur les dominants, une échappée belle depuis une triste condition de travailleur ou de consommateur. Dévots, médecins, courtisans hier, PDG, élus et leaders d’opinion de nos jours, sont moqués, raillés ou simplement humanisés. Plus rarement, le cinéma fait office de propagande. Il promeut alors un modèle, un héros ou alors réunissant le commun des mortels et la roman, il fait d’un homme ordinaire un personnage historique.


Cette vision du cinéma correspond à  la conception classique et académique du spectacle. Si le spectateur s'approche parfois du pouvoir, ou de l'image très travaillée et signifiante du pouvoir, c'est d'abord pour critiquer, analyser et s'en emparer. Il s’approche prudemment de l’objet filmé pour finalement mieux s’éloigner. Voilà bien la définition même du spectacle : la distanciation provoquée par le spectacle lui-même. Par la mise en scène et « le pour de faux ».


En ce sens, le cinéma comme tout spectacle ne crée rien. Il illustre ce qui est à l'œuvre. Il dit mais n'invente rien. Il n’est pas créateur. En revanche, il est engagé. On rit ou on crie, et ce faisant on place une distance entre le spectateur et l’objet montré, comme entre l’enfant et le spectacle de Guignol.


Il se pourrait aussi que cette conception classique du cinéma change. Elle est en tout cas contestée par une autre forme de cinéma.


Pas tellement dans le cinéma américain qui reste toujours très "parlant", discursif, bien souvent jusqu’à la propagande.

Mais, il existe un courant cinématographique qui s'attache à la psychologie, à la sociologie, aux sciences sociales; un cinéma qui pense que la caméra à l'épaule serait plus vraie, plus "docu" que le plan fixe, le travelling et les décors grandioses...
Une volonté étrange d'aller vers « le documentarisme », vers le social dans le sens sociétal, et finalement vers la rechercher de la vérité, des vrais français, des vrais gens, des vrais causes à nos vrais problèmes. Strip-tease sociétal. Foutaises. Ere du vide de jeunes cinéastes qui n’ont rien vécu, qui sont devenus cinéastes comme on devient employé de mairie, c’est à dire sur concours et qui se demandent bien ce qu'ils pourraient filmer d'intéressant. Ils filment donc, la vie, eux-mêmes, nous … et ne disent rien.


Comme si le cinéma pouvait être vrai. Imposture: La sociologie n'est pas un art mais une simple technique (de distinction) et le cinéma au contraire parle « pour de faux », mais, du coup, peut dire ce qu’il veut. "La comédie à la française" a ceci d'exaspérant qu'elle se veut réaliste, qu'elle se prend au sérieux, limite scientifique. Elle prétend que le décor n’en est pas un, que le dialogue est libre et sincère et que le scénario est inspirée de la réalité. Un cinéma à la Bacri-Jaoui, pourfendeur de l’actor’s studio certes, mais un cinéma de lâche, qui au départ n'ose pas s'engager car il manque d’idées et qui le fait finalement avec des discours passéistes. Qui ne comprend pas qu'on ne puisse pas être d'accord avec lui. Cinéma de tout petit bourgeois.


Voilà ce qu’on peut nommer le cinéma de la haine de la démocratie.


Il y a aussi un cinéma plus trash, plus anecdotique, qui je crois n'échappe pas à cette dérive socialisante. Je causais il y a peu avec une bloggeuse du film de Damien Odoul , l'histoire de Richard O. dans lequel le réalisateur a organisé une scène de sexe et d'amour réelle entre l’acteur M. Amalric et l'actrice dont le nom m’échappe, avec pour faciliter les choses, des moyens techniques légers. Scène d'ailleurs qu'Amalric assume assez mal paraît-il...


Voilà bien la fin du spectacle ! La fin du cinéma ! Un cinéma obscène plus que pornographique, qui parce qu’il filme une scène de baise ou un moment d’amour (au choix, peu importe) qui pourraient être les miens, se croit tout permis, y compris le fait de nous montrer des bites en érection. Si l'acteur ne tue pas encore, en tout cas, il baise !


Je me demande si ses parents sont allés le voir jouir.


On pourrait parler aussi d'Irréversible de ce petit con de Gaspard Noé, et de la scène de viol de la Bellucci, filmée de façon documentaire, c'est à dire en temps réel (c'est quoi le timing d'un viol ?). Quand on y pense, pourquoi faire ça ? Quelle horreur que de se donner pour objet le documentaire du viol !
Mais, partons du point du vue que c'est du cinéma d'essai, un peu underground (enfin pas tant que ça non plus, sinon cela n'aurait aucun intérêt) et donc peu représentatif.

Toutefois, il y a toujours des films qui font exception: 36 quai de Orfèvres par exemple qui constitue un vrai bon film classique américain ! De l'action avec surtout des bagnoles, des gueules d'acteurs, des supers conseillers techniques (l'ancien flic Olivier Marchal) et puis un bon petit discours corrosif sur la guerre des services et les dérapages de la Police à papa. Dans un autre genre, il y a le dernier Chabrol aussi, espèce d'ovni cinématographique dont on ne sait trop quoi penser, sauf quand on a compris qu'il ne s'agit que d'une discours moralisateur sur notre société.


Des films qui se présentent comme des erreurs dans notre paysage visuel ambiant. Il faut songer à la difficulté du cinéma européen à faire des films de guerre, genre passionnant s’il en est tant, par nature, il est aisé d’y introduire un discours engagé dans ce paroxysme politique qu’est la guerre. Et bien, on ne sait pas faire, alors que le cinéma américain fait ça de façon industrielle, qu’il fabrique de la propagande-spectacle en gros.


Alors, ce cinéma social est-il nouveau ? Non, si l'on se trompe sur le sens du mot social. Il y a eu, bien sur, le néo-réalisme italien de Visconti (Ossessionne) et de Rosselini (Rome, ville ouverte) mais que l'on ne se méprenne pas: bien moins social que politique et violemment engagé que ce cinéma là ! Car remplit de colère, de haine pour l'Italie fasciste et traumatisé par la pauvreté des bas-fonds de l'époque... Il y avait du discours, pour le moins ! Une symbolique de la pauvreté même. Le réalisme, la sociologie c'est bien; mais encore faut-il faire du cinéma. Or ce cinéma a fait date pour symboliser, lui-même, la pauvreté. Ce cinéma est devenu une image, un média pour parler de la pauvreté, de l’oppression politique etc.


Notre cinéma sociétal à nous ? Oh ... il existe juste, c'est à dire qu'il sociologise. Il décrit. Que dit Desplechin ? Rien du tout, mais il parle de vous et moi, comme on peut parler de la pluie et du beau temps sur un blog. Entre gens bien habillés quand même. Ne vous inquiétez pas, il ne raconte rien de grave sur votre compte. Un bon moment de détente, qui sera vite oublié.


Quittons maintenant le cinéma qui tout de même nous réserve de bonnes surprises et entrons dans la vraie vie, celle de la ménagère de moins de 50 ans, qui autrefois rêvait sur Sissi l'impératrice mais qui aujourd'hui envoie sa fille faire le casting de pop-star. Ce phénomène de socialisation, de démocratisation et de massification du cinéma (voir de l’image on s’en doute) n’existe-t-il pas ailleurs ?

Parce qu’on les a vues, les files d'attentes … Ils n'ont pas manqué de nous les montrer, à M6. Celles qui chantent comme les casseroles de maman pourront toujours se présenter aux enregistrements des émissions publiques, applaudir leur copine sur ordre et acheter Voici le lendemain.


Le principe n'est pas nouveau, me dira-t-on. Les radio-crochets existent depuis belle lurette. Bien sûr. Sauf quand dans ce cas là, il s'agissait d'artisanat. Or, nous sommes passés à la phase industrielle. Ce qui change tout.


Le phénomène sur lequel il convient de s’attarder un instant est la démocratisation de "l'étoile", de "la star", et autant dire le mot, du héros.

Pourquoi est-ce important ? Parce qu'il y a là un paradoxe qui va nous aider à aborder notre sujet: « la star », la « star internationale » pour le cinéma, en encore l’ancienne rock-star des années 1970, fonctionne sur le rêve, l'exception, la rareté... Voire l’absence.


Sa démocratisation devrait être une impossibilité. Le héros est une rareté ; or, l’inverse se produit aujourd’hui.


Alors, on a déjà largement écrit sur le phénomène et d’autres bien mieux que moi. L'essentiel se situe dans le processus de rapprochement entre le spectacle et le spectateur, particulièrement visible si l’on veut un exemple, dans le journal télévisé de JP Pernaud ou dans la télé-réalité.


De Sissi l'impératrice à Pop-star, le spectacle subit une lente dégradation démocratique qui confine à la disparition même du rôle de spectateur actif (voir d'acteur chez Odoul) et donc de spectateur citoyen, c’est à dire critique. L'exemple évident réside bien sur l'importance prise par les émissions de télé-réalité (confère la femme de JP Pernaud), sachant au passage que le cinéma avait vu le coup venir bien avant Endemol ("La mort en direct" de B Tavernier, en 1980, par exemple) et que l’Antiquité avait elle même connu une période durant laquelle le théâtre est devenu réel.


Que ce passe-t-il exactement ?


La distance entre le spectateur et le spectacle se réduit. Or, cette distance est fondamentale. Elle est ce qui autorise le discours, le positionnement de l'auteur, du réalisateur dans le jeu spectaculaire. C’est son territoire. Elle permet l'engagement politique, la mise en œuvre du symbolique, du politique et même du religieux. Elle permet de croire. A l’histoire du film tout d’abord.

Pour comprendre, rien de tel qu’un peu de linguistique élémentaire : le mot arbre n'est pas l'arbre. Toute chose pour être perçue doit être symbolisée. Premièrement par un mot, puis un discours et éventuellement un spectacle.
A l'extrême, la sémiologie fait science d’analyser comment l'autel de l'Eglise, l'estrade du magistrat, l'urne de la mairie font symbole et spectacle. La distance entre le mot et la chose signifiée est dans ces trois cas là extrême. Or c’est à la fragilisation de cette distance que l’on assiste.


La chose est assez grave. C’est de nos mots, de nos symboles et de nos croyances dont il s’agit ; de notre capacité à parler, comprendre, dire.


La culture, la langue, la civilisation sont en jeu. Rien de moins. Si je n'ai plus la place pour mettre en place mes mots, ma réflexion, ma subjectivité et éventuellement ma vision du monde et ses symboles, alors, je ne sais même plus qui parle, ce qu'est un clavier, à qui je m'adresse. Je suis atomisé, massifié… (démocratisé ?).


Vous êtes largués ? Vous dormez ? J'ai ce qu'il vous faut: parlons de cul !

Parce que l'histoire de la pornographie est le plus parfait exemple pour illustrer ce qui est dit là. Comme dans le cinéma en général, y a t il une phase classique de la pornographie ? Le très sympathique documentaire de canal + (je vous le conseille bien évidemment), « l’âge d’Or du X », nous fournit quelques éléments de réponse…


Il y a eu, semble-t-il un temps artisanal du phénomène porno, un âge d’or, une période rêvée et aujourd’hui fantasmée : 1974-1985. 10 ans de scandales, de chair joyeuse, et d’évolution législative concernant la profession. Certaines diront de tentatives féministes aussi. Il faut bien avouer qu’autour de Brigitte Lahaie, les étalons avaient des airs de benêts juste bons pour la reproduction…

Alors, auparavant, il y avait eu la longue phase du porno confidentiel, pour des raisons techniques, celui des photos cochonnes sous le manteau, des films scandaleux, des « saloperies » comme disent les vieux, difficiles à trouver, dans lesquels tous les tabous explosaient avec une facilité déconcertante... Un porno qui fuit le franquisme par exemple, qui montre poils et animaux dans une ambiance rurale assez peu ragoûtante pour les métrosexuels que nous sommes devenus. C’est un porno pulsionnel, sans véritable but autre que la satisfaction de ceux qui le font. La période du porno à papa, considéré comme "vintage" aujourd’hui, par les greluches qui aiment beaucoup leur papa. Je ne pense pas là qu'il y ai un quelconque phénomène.


Ensuite, donc, la phase très courte de l’age d’Or du X, celle où les actrices d’hiers, qui tiennent encore les boites à cul de Paris aujourd’hui, avouent avec nostalgie, qu’elles prenaient grave leur pied avec leur potes, à faire du cul pendant ces belles années. C’est aussi un cinéma qui fait des millions d’entrée, qui va jusqu’à être sélectionné à Cannes, un cinéma qui a un certain sens car à la fois très bourgeois (on respecte le triptyque : château, cheval, rolls… La maîtresse ou la bonne font comme chez Marivaux, exploser l’icône du couple tradi) puis très libertaire et féministe. La cul, ça permet de faire le con…(Y-a qu’à voir les titres : « l’arrière train sifflera trois fois »…Bref). Le moins que le puisse dire, c’est que ce porno là, n’était pas pornormatif. Au contraire.


Hélas, viendra ensuite, avec la vidéo puis le DVD, l’ère industrielle. Et normatif, il l’est alors carrément. Bizarrement, le plus facile pour le décrire, c'est encore l'étiquette géographique: le porno français/italien, américain, allemand, brésilien etc... Division géographique du travail, une espèce de théorie des avantages comparatifs du cul. On fait dans le volume, les techniques se mettent en place, la filière s'organise. Il semble que nous sommes encore dans cette phase qui continue de produire, mais économiquement, il apparaît aussi que c'est de plus en plus dur.

Que se passe-t-il ? Mais voyons ... l'arrivée de la webcam ! La star (du X), c'est vous ! Honnêtement, trouver un mec qui montre son sexe sur sa webcam va me prendre à moi qui pourtant n'aime pas les garçons... 1 minutes, tout au plus. Pour une fille ? C’est un peu plus long car elle font un peu plus les mijaurées, les filles… Qu'est ce que je vais me déranger à payer des cassettes répétitives de pornographie alors que j'ai tout sous la main. Le spectateur se rapproche dangereusement du spectacle. Il participe !


Et, il est tout simple de monter sur scène : « on se retrouve à quel métro ? ».

Le cinéma sociétal, la télé-réalité, le porno… trois spectacles qui refusent toute distance entre le spectateur et le spectacle, trois dimensions spectaculaires qui fonctionnent toutes au nom de la même règle : l’obscénité.


Cette menace à l'égard de la distanciation vitale dans le spectacle me permet ainsi d’énoncer clairement mon propos du jour : la société occidentale est obscène. Pornographique dans le sens industriel et non pas rebelle. Pornormative.

Détail percutant : si l’on donne à l’idée de distance un aspect temporel et non pas seulement spatial, alors il faut énoncer que notre société est incestueuse, pédophile à l’extrême limite.


Mon but maintenant est de décrire. Pour cela deux étapes :

1 - L'économie de ce (non-)spectacle moderne, texte dans lequel je prendrait quelques exemples dans la publicité pour affirmer que non seulement le spectacle provient des structures économiques mais qu’il lui est inféodé intellectuellement.

2- Partouze sociale et obscénité démocratique, deuxième partie dans lequel je solliciterait Régis Debray et son opuscule l’obscénité démocratique pour décrire quelques caractéristiques sociale et politique de notre société obscène.

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